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Réflexions équestres

Trois chevaux
L'individu-cheval

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Si lorsque vous regardez un cheval, vous arrivez à voir autre chose qu’un animal sur lequel on monte pour avoir des sensations fortes, galoper, sauter, ou pour aller simplement se promener sur une plage ou dans la forêt, si au-delà du corps puissant qui va vous porter vous parvenez également à saisir l’être vivant qui vous accompagne pour partager un moment agréable, vous êtes sur la bonne voie.

 

Mais si en plus, vous décelez sa personnalité toute particulière, ses émotions intériorisées ou ses sentiments cachés, alors c’est bon signe, une porte s’est ouverte pour vous. Et si de surcroît, vous parvenez à lire dans la page mystérieuse et secrète de son regard, journal intime s’il en est, alors le royaume des chevaux vous a largement ouvert ses portes. Il vous reste simplement à découvrir l’usage de toutes les clés dont vous détenez déjà le trousseau.

 

Si l'on maîtrise parfaitement les notions relatives aux besoins physiques et à l'utilisation du corps du cheval, qu'en est-il réellement de celui qui se trouve à l'intérieur de ce corps, du personnage, de l'être vivant?

 

Que sait-on réellement de lui? Et que savons-nous de ses sentiments, de ses émotions, de ses capacités intellectuelles, de ses pensées, de sa réflexion, de ses capacités d'analyse, de ses facultés d'imagination et de proposition ou de son humour?

 

Et qu'en est-il de son caractère, souvent volontairement brisé, ou de son tempérament parfois méprisé, ou de sa personnalité si souvent étouffée, ou encore de ses idées et de ses désirs, peut-être bien légitimes comme chez tout être vivant?

 

N'a-t-on pas fini par oublier de voir le cheval en tant qu'être vivant, donc sensible et pensant? Les pratiques actuelles n'ont-elles pas confinées le cheval dans un rôle d'objet de plaisir, de support à des activités de loisirs, à consommer sans modération?

 

Je vous invite à dépasser ce que l’équitation traditionnelle transmet depuis si longtemps déjà de manière immuable. Je vous offre la possibilité de franchir une nouvelle porte dont vous allez découvrir la clé, une porte qui invite à entrer dans l’univers du cheval, vers peut-être ce qu’il y a de plus caché en lui ou plutôt vers ce que l’humain a préféré ignoré au cours des siècles, par nécessité autrefois, par habitude et confort aujourd'hui.

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Bienvenue dans la sphère intérieure des chevaux, au plus près d’eux-mêmes, de leurs sentiments, de leurs émotions. Acceptez ce voyage au fond de leurs yeux, au plus profond de leur être. Découvrez cette flamme que trop souvent on étouffe car on préfère n’utiliser que leur puissance et leurs muscles. Acceptez de vous ouvrir à leur univers, de les regarder, mais aussi de les écouter sincèrement. Parions que vous serez surpris !

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Dressage ou éducation?

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Dresser un cheval consiste à obtenir son obéissance afin de rendre son utilisation facile et accessible au plus grand nombre. Il s'agit de soumettre le cheval à la volonté de l'homme et de supprimer chez lui toute volonté personnelle et toute résistance. En même temps, le cheval doit supprimer toutes ses pensées personnelles, intérioriser ses émotions et inhiber sa personnalité tout en jugulant son caractère. On obtient ainsi une monture agréable, "gentille" et de bonne volonté, qui se plie sans broncher à toutes les demandes ou presque. un cheval qui pense le moins possible et surtout qui se laisse faire et conduire docilement pour le plus grand plaisir de son cavalier. Mais si le cheval manifeste un peu de ses opinions personnelles, soit en résistant ou en refusant un ordre, immédiatement il devient la cible du courroux de son cavalier et l'objet de toutes les recherches en matières de moyens de coercition pour le faire céder.

 

Cependant, si le dressage a l'avantage de formater le cheval pour faciliter son utilisation; il a aussi l'inconvénient de faire progressivement disparaître l'individu qu'est aussi le cheval, même si l'on a choisi d'occulter cet aspect de son être, par commodité ou par confort. En effet, il est plus facile d'imposer l'obéissance sans tenir compte de ce que pense l'animal. Pourtant, en étouffant toutes les facultés individuelles et donc désormais ignorées du cheval, on le réduit à l'état d'objet rendu inerte et impersonnel, et l'on finit par accepter l'idée que le cheval est plutôt bête, quoique doté d'une bonne mémoire.

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Éduquer un cheval correspond à une démarche différente qui sous-entend que l'on s'adresse à un être vivant sensible et pensant, et infiniment respectable en tant qu'individu doté de capacités intellectuelles, d'émotions, de sentiments, d'une personnalité et d'un caractère qui lui sont propres. Il ne s'agit donc plus de soumettre mais d'enseigner des règles de vie et des savoirs que le cheval va ensuite pouvoir utiliser de manière autonome. Cela ne signifie pas l'abandon de toutes pratiques équestre, mais plutôt une autre manière de les exercer, non plus en dominant le cheval, mais en coopérant avec lui.

 

Enseigner des savoirs à un cheval consiste à développer ses capacités intellectuelles c'est-à-dire sa pensée, son observation, ses capacités d'analyse, mais aussi sa concentration. Elle nécessite d'obtenir l'écoute et le regard du cheval, et prend en compte la gestion de ses émotions et de ses sentiments. Le cheval apprend à répondre aux demandes volontairement et en autonomie. On ne lui fait plus faire les exercices, mais on lui demande de les faire et c'est lui qui les exécute, bien mieux que lorsqu'il est passif et soumis. Évidemment, tout les moyens de coercition sont bannis et remplacés par la valorisation des actions du cheval qui prend alors plaisir au travail.

 

Mais enseigner, éduquer, cela sous-entend aussi l'établissement d'une communication, puis d'une relation affective entre l'humain et le cheval. Ce dernier n'est plus un objet impersonnel et il s'attache à "son" humain comme un chien à son "maître" et il manifeste alors son plaisir lors des retrouvailles quotidiennes ou lors du travail qui devient un moment de complicité privilégié. On ne monte plus "à cheval" mais on pratique une activité "avec" lui, pour un réel bonheur partagé.

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Un cheval a-t-il des droits?

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Il existe une déclaration universelle des Droits de l'animal, alors qu'en est-il donc pour le cheval dans ce domaine? Quels sont les droits qui peuvent être reconnus au cheval?

 

En tant qu'être vivant, le cheval

 

  • a-t-il le droit de décider de sa vie ou de son sort? Peut-il choisir son mode de vie ( stalle, box, pré, liberté, solitude, troupeau, etc...) ou sa fonction (club, promenade, obstacle, dressage, cross, etc...) ?

 

  • a-t-il le droit de faire connaître ses envies, ses désirs? Peut-il refuser de travailler s'il est fatigué, ou contourner un passage délicat en promenade, ou tout simplement s'arrêter pour savourer une herbe fraîche?

 

  • a-t-il le droit de s'exprimer, d'émettre une opinion? Peut-il refuser un cavalier dont il n'apprécie pas la présence sur son dos, ou au contraire choisir celui qui lui conviendrait mieux, avec lequel il pourrait développer des affinités?

 

  • a-t-il le droit de refuser un ordre qui lui déplait? Peut-il tout simplement refuser les ordres qui lui sont donnés et dont il ne voit pas forcément l'utilité de son point de vue de cheval? Pourquoi sauter un très gros obstacle, alors que dans la nature, le bon sens et la sécurité invitent au détour?

 

  • a-t-il le droit d'avoir peur? Peut-il exprimer une angoisse devant une situation qui le stresse sans être obligatoirement contraint à faire face malgré lui?

 

  • a-t-il le droit d'affirmer ses sympathies, ses préférences, ses affections? Peut-il choisir ses amis, respecte-t-on ses choix affectifs parmi ses congénères, et tout simplement, une jument poulinière, peut-elle décider du devenir de son poulain en toute sérénité, et notamment gérer le sevrage souvent si brutal?

 

  • a-t-il droit au plaisir et au bonheur? et se pose-t-on seulement ces questions?

 

En fait, les questions pourraient encore se succéder ainsi longtemps, les réponses se rejoignent toutes pour constater que le cheval est un être vivant entièrement soumis à la volonté de l'homme et contraint d'abandonner toutes velléités personnelles. Depuis longtemps déjà, le cheval-être vivant a été ignoré, occulté, au profit du cheval-objet à consommer sans modération pour le plaisir exclusif de l'homme qui l'exploite. Ne serait-il pas temps, en ce 21ème siècle qui débute, d'abandonner nos vieilles pratiques et de nous repositionner par rapport au cheval, non comme des consommateurs, mais comme des êtres humains respectueux du cheval comme de tous les êtres vivants qui partagent nos vies?

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Respect

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 "L'émerveillement est le premier pas vers le respect". Qui ne connait cette si belle phrase de Nicolas Hulot! Cette phrase qui a accompagnée ses magnifiques reportages où l'on a pu le suivre dans ses approches si douces des animaux sauvages dont il a observé et commenté les moindres gestes avec tant d'attention et de tendresse. Ce sont des invitations au respect pour ces animaux lointains si menacés.

Oui mais, et nos animaux domestiques? Si proches de nous que nous avons fini par les banaliser, et pire encore, nous en sommes arrivés à renier leur statut d'être vivant pour les assimiler à des éléments d'une production économique, souvent élevés en batterie, manipulés comme de vulgaires marchandises et exécutés dans l'indifférence la plus totale.

Et le cheval dans tout ce système? Lui aussi est devenu un élément de la filière économique équine, la plupart du temps destiné à servir fidèlement l'homme dans ses loisirs, utilisé, consommé sans modération, exploité, puis jeté lorsque devenu inapte au service, et remplacé sans état d'âme, pour la seule et unique satisfaction des acteurs de ce système.

Et si l'on réapprenait à s'émerveiller devant un cheval? Non pas parce qu'il est capable de courir très vite ou de sauter très haut, ou parce que nous aimons les longues galopades qu'il peut nous offrir, non pour tout ce qu'il peut "faire", mais tout simplement pour ce qu'il "est", un cheval, c'est-à-dire avant tout un être vivant avec une personnalité, des désirs personnels, des idées, des envies, des affections, des émotions... bref, tout ce qui caractérise un être vivant.

Et si nous réapprenions le vrai respect du cheval, non pas seulement celui de son corps, mais aussi celui qui accepte de le reconnaître en tant qu'individu à part entière?

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